dimanche 22 juillet 2007

Vers une laïcité sociale et internationaliste

Cet article a été publié dans Salut et Fraternité n°59 de juillet-août-septembre 2007, p.3

Le 26 mars dernier, l’Assemblée générale du Centre d’Action Laïque de la Province de Liège était suivi d’une conférence-débat sur le thème «Enjeux et avenir de la laïcité» avec, comme invité, Philippe Grollet, président sortant du Centre d’Action Laïque communautaire, et son successeur Pierre Galand. La prestigieuse salle académique de l’Université de Liège a accueilli pour l’occasion près de 200 personnes venues écouter, pendant plus de deux heures, des échanges sans langue de bois, dont le message était mobilisateur pour ceux que Pierre Galland a qualifié de «peuple laïque»

Le caractère convivial de cette rencontre était renforcé par le dispositif qui plaçait les deux intervenants bien assis dans des fauteuils autour de tables basses. Chacun eut d’abord droit à trois questions «impertinentes». On apprendra ainsi que Philippe Grollet retient surtout de son passage dans l’enseignement catholique la grande hypocrisie de la religion, et qu’il ne compte pas se lancer dans une carrière politique après ses 19 ans passés à la tête de la laïcité.

Philippe Grollet souligne plus particulièrement dans son intervention l’offre exponentielle en matière religieuse, y compris dans les différences internes des différentes religions. Pour lui, si cette offre explose, la demande est, elle, en régression sensible, l’athéisme et l’agnosticisme ne s’étant jamais aussi bien porté dans l’histoire. Il n’est d’ailleurs pas question de faire table rase des valeurs chrétiennes mais d’en reprendre les aspects positifs tout en faisant en sorte que, pour reprendre Protagoras, «l’homme soit la mesure de toute chose». Dans ce cadre, il s’agit pour la laïcité d’être combative, non seulement face au consensus mou mais également contre les courants intégristes qui gagnent du terrain au sein des différentes religions. Pour ce faire, il faut chercher les alliances avec les chrétiens démocrates, notamment.

Pierre Galand, quant à lui, a d’emblée insisté sur la nécessité pour la laïcité de ne pas rester un «club du 3e, voire du 4e, âge» et de ne plus se cantonner dans son rôle de «village d’Astérix». La laïcité doit ainsi prendre en compte les problèmes sociaux qui se posent avec de plus en plus d’acuité, mais aussi avoir une véritable vision et action internationaliste. Face à la montée des intégrismes, c’est une question de survie que de venir en aide aux laïques des pays de l’Est et du Maghreb. Il est également primordial de se rendre compte des moyens colossaux mobilisés par les lobbies religieux présents au Parlement européen tandis que la Fédération humaniste européenne (FHE) parvient péniblement à mobiliser deux mi-temps ! Revenant à son interrogation première, il met l’accent sur le défi qui consiste à renouer le contact avec tous les laïques, et ils sont nombreux, qui ne se reconnaissent pas dans la structure du CAL. Une piste : la mise sur pied de «chantiers de la laïcité» afin que nous nous repenchions sur nos valeurs. Nous ne pouvons en effet laisser à l’ULB le monopole d’un débat aussi vital.

La salle ne se prive pas de réagir et de rebondir sur les propos tenus par les deux brillants intervenants. De ces échanges, il ressort que l’Europe ne peut, de manière éthique mais aussi réaliste, se transformer en forteresse, et que nous devons nous occuper de la pauvreté grandissante dans le sud de la planète, tout en travaillant à des formules de démocratie participative. Sur le plan religieux, la nécessité d’un vrai cours de philosophie a été rappelé, tout comme la position de principe contre le voile, le débat au sein de la laïcité portant sur les moyens d’y parvenir sans avoir des effets contre-productif vis-à-vis des jeunes filles musulmanes pour qui porter le voile est la seule manière de sortir de chez elles. Plus largement, la question des relations entre laïcité et communauté musulmane à l’heure de la stigmatisation dans le contexte de la lutte contre le terrorisme a été un des grands points abordés. A ce niveau, il est nécessaire de veiller à renforcer les laïques et les progressistes de cette communauté, et principalement ceux qui se battent dans les pays du Proche et du Moyen-Orient. Une nouvelle fois, la dimension internationale est mise en avant comme élément indispensable de la solution.

La conclusion du débat fut le rappel que, face aux prétentions hégémoniques des diverses religions, le projet laïque – articulé autour de ses deux pôles philosophique et politique - avait de plus en plus de sens, car il était seul garant d’un projet de société ou le vivre ensemble était réellement pour tous.

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