dimanche 27 juillet 2008

Force, Joie et Travail !

Cet article a été publié dans le n°45 de juillet-août-septembre de la revue Aide-mémoire, p.7.
L'ensemble des textes publiés dans cette chronique se trouvent ici


Pour l’extrême droite, il toujours été important de se profiler comme défenseur des petits, des ouvriers. Si le rejet du Communisme est une constante et un des ciments idéologiques, se positionner comme n’étant pas à la botte du capitalisme, principalement du capitalisme international, fait également partie du discours « classique ». Si on le retrouve aujourd’hui surtout présent chez Nation, qui parle de « résistance sociale » et anime le site www.1mai.be, l’extrême droite des années 30-40 ne ménagea pas ses peines pour essayer de convaincre les ouvriers qu’elle défendait leurs intérêts
Le Front du Travail[1]
Dans l’Allemagne Nazie, c’est le 2 mai 1933 que Hitler annonce la dissolution des syndicats allemands et la création d’une seule organisation. Celle-ci, sous le nom de « Front du Travail » est définitivement organisée par une loi du 24 octobre 1934. Il constitue l’épine dorsale d’une organisation corporative de la société. Les cadres de la nouvelle structure doivent être membre du NSDAP. Et comme ce sont eux qui fixent les salaires, les conditions de travail, les procédures de licenciements… cela permet dans les faits au gouvernement d’adapter les conditions sociales à ses objectifs politiques. L’emprise du parti sur la vie des travailleurs sera complétée par une organisation connexe, « La Force par la Joie » qui organise les loisirs. Le financement est assuré par des prélèvements obligatoires sur les salaires des travailleurs. Enfin, signalons que c’est le Front du Travail qui sera chargé de la réalisation du projet imaginé par Hitler de fournir une voiture à chaque travailleur : la fameuse Volkswagen. Mais au-delà des beaux discours la réalité était surtout un encadrement de tout les instants et une perte totale de liberté. Si des améliorations furent réalisées avant la guerre, les chiffres montrent bien que les travailleurs ne verront leurs conditions de vies que légèrement s’améliorer (les salaires resteront stables) alors que la relance économique, grâce à la conjoncture et à l’industrie de l’armement qui prépare la guerre, permettra aux profits industriels et commerciaux des entreprises de repartir à la hausse[2].
Trois brochures de propagande
Pour analyser cette question et la manière dont l’extrême droite des années 30-40 a présenté cette question nous nous baserons sur trois brochures. La première est une publication luxueuse sur papier glacé, comportant de nombreuses photos. Elle était destinée à attirer des travailleurs belges volontaires en Allemagne. Elle fait partie d’une collection destinée à venter les bienfaits de « L’Allemagne contemporaine » avec des titres comme Pourquoi l’ouvrier allemand est-il pour Hitler ?, Les autostrades allemandes ou encore La sollicitude de l’Allemagne pour les vieillards et les faibles. Intitulée Beauté du travail en Allemagne[3] la brochure montre tous les efforts faits pour embellir les lieux de travail, les rendre plus agréable… Elle se distingue d’un discours souvent utilisé par un rejet du romantisme passéiste au profit d’une utilisation de la machine et du progrès technique au service de l’homme. C’est donc au détour d’un paragraphe que l’on retrouvera des notions idéologiques déjà rencontrées dans cette chronique. Tout d’abord une vision raciste des choses : « Quant aux Allemands qui viennent à visiter cette usine, la constatation de l’existence de telles mesures leur montre clairement sur quelles données acquises on peut tout naturellement compter chez nos camarades de travail allemands ; cela, parce qu’ils savent judicieusement apprécier la valeur et le but du travail : leur atavisme de race, la tradition et l’éducation le leur ont inculqué »[4], mais surtout ce que nous allons développé plus loin, la conception corporatiste de la société et donc la négation des différences de classes et de l’antagonisme entre celles-ci : « Dans l’Allemagne d’aujourd’hui, tout le monde est travailleur, peu importe à quel poste, peu importe qu’il soit ministre, directeur d’un établissement, artisan, artiste, serrurier, écrivain ou emballeur. Hitler a dit aussi : « A l’avenir il n’y aura plus qu’une seule noblesse, celle du travail» (…) de cette manière, toutes les tentatives littéraires faites dans l’intention de fabriquer une culture prolétarienne sont devenues sans objet et ont été oubliées. Il n’y a qu’une seule culture et une seule forme d’existence, ce sont celles de l’homme allemand »[5]. On notera au passage que la figure centrale de Hitler est ici bien mise en avant dans cet extrait de la conclusion.
Il en est de même de celle de Mussolini dans une brochure[6], nettement moins luxueuse et parsemée de nombreuses coquilles, éditée par le mouvement fasciste[7] : « Un élément décisif vient encore confirmer ce qui a été dit : les origines, la vie, la personnalité de Celui qui a été le créateur du fascisme et qui en est le Chef. (…) la misère et le travail n’avaient-ils pas plutôt fait de lui, l’apôtre et le messie des humbles ? Avant même la fondation des Fascii, Benito Mussolini avait formulé, en effet, le programme politique du Fascisme,(…) d’autre part, dans son action de propagande, le Fascisme s’est constamment adressé aux masses des travailleurs et aux anciens combattants qui n’étaient pas liés aux vieux clans politiques. »[8]. Outre cet aspect la brochure fasciste développe principalement le système corporatif qui a supprimé la lutte des classes : « La collaboration de classe, voulue par le Fascisme, ne signifie pas la légalisation et la cristallisation de l’état de fait, mais l’idéal de l’unité et de l’intérêt supérieur de la production. Ce n’est donc pas un fait statique ni conservateur, mais un fait constructif qui élimine tous les intérêts particuliers »[9]. Si la brochure défend donc l’idée que les travailleurs bénéficient des réformes, elle explique également clairement que le droit de grève a été supprimé et que : « Comme nous l’avons déjà indiqué, le syndicalisme fasciste est né par opposition aux organisations politiques à fond socialiste et communiste et a vécu, sans se laisser intimider par le nombre, en les combattant, afin de défendre les vrais intérêts du travail. Plusieurs années après les premiers mouvements fascistes, et quatre ans après la Marche sur Rome, le syndicalisme fasciste s’imposait, par la loi du 3 avril 1926, comme la seule forme reconnue d’association. »[10]. Elle se termine par une critique des ennemis de l’Italie qui ont essayé de l’empêcher d’intervenir en Abyssinie, intervention présentée comme humanitaire tant envers l’Italie qui a besoin d’espaces et de ressources que des abyssins à qui l’Italie apporte la civilisation : « Pour réaliser son programme de justice sociale, le Régime fasciste a du mettre en déroute le front masqué, fuyant et très insidieux de la haute banque, de la ploutocratie, de la franc-maçonnerie »[11].
La clarté idéologique derrière la propagande
Mais revenons à l’Allemagne. Le titre de la première brochure fait explicitement référence à l’office « Beauté du Travail » qui au même titre que « La force par la joie » faisait partie du Front du Travail. Celui-ci dès sa création est dirigé par Robert Ley. Né le 15 février 1890, il participe à la guerre 14-18 durant laquelle il sera fait prisonnier par les Français à la suite du crash de son avion. Docteur en chimie Ley travaille pour IG Farben et intègre le parti nazi en 1924 indigné par l’occupation de la Ruhr par la France. Dès 1925 il devient un des principaux cadres dirigeants du NSDAP. Robert Ley se suicide le 25 octobre 1945 pendant le procès de Nuremberg où il devait répondre de nombreux crimes, principalement liés à l’utilisation de la main d’ouvre étrangère amenée de force en Allemagne pour suppléer aux demandes sans cesses grandissantes du front.
La brochure qu’il signe pour vanter les progrès apportés par le Nazisme rejoint pour une part la première brochure[12]. Mais celle de Robert Ley est plus intéressante car il y exprime beaucoup plus les fondements idéologiques. Le premier de ceux-ci est le fait que l’Allemagne était dans le chaos avant que les Nazis n’arrivent au pouvoir et la redressent : « L’Allemagne était encore, il y a sept ans, un peuple méprisé, exploité, impuissant (…) Cette Allemagne est devenue, après sept années de direction Nationale-Socialiste, l’Etat et le peuple le plus grand, le plus puissant et le plus uni du monde. L’Europe est à ses pieds, les rêves les plus audacieux sont surpassés de beaucoup. »[13] Mais c’est surtout sur les aspects biologiques, racistes, que la brochure est intéressante : « Une qualité spécialement caractéristique de notre race allemande est la responsabilité de l’homme allemand. Nous l’appelons zèle, sacrifice, héroïsme et courage, nous l’appelons fidélité, esprit de communauté, capacité de s’intégrer et de se subordonner. Elle incarne à la fois, l’autorité du chef et le sens de l’obéissance »[14]. La « communauté populaire » ainsi mise en place pour respecter la nature profonde des allemands est militarisée : « notre Communauté est une communauté de soldats, et le soldat, officier ou homme de troupe, est l’expression la plus élevée du haut sentiment de responsabilité de notre race »[15].
Le national-socialisme est un « socialisme » qui s’oppose clairement au marxisme. Et là aussi on retrouve une explication racique, avec des éléments d’antisémitisme et le rejet classique de la Révolution française : « Voilà pourquoi le juif, au nom de la liberté, put à l’âge de la technique se libérer des chaînes sociales imposées par le moyen âge. Quand la révolution française éclata, à la manière d’une explosion en partie épouvantable, on exalta une liberté tout à fait mal comprise. De la joie de pouvoir extorquer ses secrets à la nature, l’homme brisa tous les liens humains et ne chercha qu’à remplacer la déesse « liberté » par la fille publique « licence ». C’est seulement ainsi que la juiverie put s’émanciper et put introduire parmi les peuples ses idées libérales et marxistes, sur la conception du travail, de l’argent, de la propriété, de la société, des vertus humaines, voir même de l’Etat et du peuple. »[16]. Mais comme nous l’avons déjà exprimé[17] le racisme n’est pas le cœur de l’idéologie nazie, et plus largement de l’extrême droite. C’est autour du darwinisme social, d’un certain naturalisme, que s’articule les différents éléments idéologiques. Et Robert Ley l’explique clairement : « Nous, Nationaux-Socialistes, nous fondons notre conception du monde sur les lois éternelles, invariables de la nature. Une de ces lois est la connaissance de ce que l’ordre humain est basé sur la race humaine et ses caractères, ainsi d’ailleurs que sur les rapports réciproques du sang et du sol. »[18]. Ces lois naturelles peuvent amener une vision païenne du monde, mais peuvent tout aussi bien s’articuler avec le christianisme[19] : « Ce sont les lois éternellement naturelles de la vie que l’homme doit observer et reconnaître par lui-même. S’il le fait, il vit intelligemment, mais s’il se dresse contre elles et croit dans son aveuglement pouvoir se fabriquer des lois personnelles indépendantes de la nature, voire même opposées à celle-ci, il vit inintelligemment et succombe à la folie ou à la déraison. L’ordonnance divine veut que chaque être ait besoin d’une place et d’un espace. De là dérive une relation invariable de l’homme à l’espace. Si l’espace est trop restreint, l’homme doit ou bien briser les chaînes ou bien périr. Le concept de patrie est donc un concept divin, puisqu’il exprime l’ordre de Dieu. (…) Nous, Nationaux-Socialistes, déclarons à chaque instant que le Seigneur partage les hommes d’après la race et le sang, et que celui qui désavoue le racisme pèche contre les lois de Dieu et enseigne par le fait même la superstition. »[20]
Notes

[1] Voir Dictionnaire historique des Fascismes et du Nazisme, Bruxelles, Complexe, 1992 et Richard Overy, Atlas historique du IIIe Reich. Coll. Atlas/Mémoires, Paris, Autrement, 1999.
[2] Voir le classique de Charles Bettelheim, L’économie allemande sous le nazisme, 2 tomes, Petite collection Maspero n°72 et 73, Paris, François Maspero, 1971
[3] Wilhelm Lotz, Beauté du travail en Allemagne, Coll. L’Allemagne d’aujourd’hui n°6, Bruxelles, Maison internationale d’édition, 1941, 62p.
[4] p.27
[5] Ip.61
[6] Le fascisme, réalisation prolétaire, Rome, (s.d), 63p.
[7] Sur celui-ci voir notre article dans cette chronique : L’ascension fulgurante d’un mouvement n°28 d’avril-mai-juin 2004,
[8] p.11
[9] p.15
[10] p.24
[11] p.52
[12] Dr R Ley, Du prolétariat à la dignité de l’homme, Bruxelles, éditions « Die Deutsche Arbeitsfront », (s.d. 1941 ?), 32 p.
[13] p.24
[14] p.14
[15] p.15
[16] p.10
[17] Le darwinisme social, paradigme de l’idéologie d’extrême droite in Espace de libertés n°340 de mars 2006, pp.20-21 et Nature et Darwinisme social dans le n°67 de La Pensée et les Hommes consacré à L’imaginaire d’extrême droite
[18] p.11
[19] Voir dans cette même chronique La tendance païenne de l’extrême n°38 d’octobre-novembre-décembre 2006 et De l’inégalité à la monarchie n°33 de juillet-août-septembre 2005.
[20] p.20

jeudi 10 juillet 2008

Intérêts notionnels ou pouvoir d'achat ?

Ce jeudi 10 juillet, La Libre Belgique a publié le texte suivant que je co-signe dans le cadre du Mouvement du 15 décembre.

Les intérêts notionnels sont un énorme cadeau fiscal qui représente environ 2,4 à 3 milliards d'euros accordés aux sociétés chaque année. Chaque ménage du pays offre ainsi en moyenne 600 euros par an à ces sociétés. Est-il normal que l'Etat favorise celles-ci au détriment des travailleurs actifs et des allocataires sociaux ? Nous ne le pensons pas.

En effet, la part des salaires dans le PIB n'a cessé de diminuer. De 1981 à aujourd'hui, la rémunération moyenne d'un salarié accuse une perte de plus de 15 pc par rapport à l'évolution du PIB. Et c'est encore pire pour les allocataires sociaux. Exemple : une pension moyenne représentait 38 pc du salaire moyen en 1980, mais plus que 28 pc en 2003. Les bénéfices des sociétés, par contre, ont explosé. Ils sont passés de 8 milliards d'euros en 1981 à 61,5 milliards en 2006. La part des sociétés dans le PIB a ainsi doublé, passant de 9 pc à 19 pc. Et la part de leur revenu disponible (après transferts sociaux et fiscaux) a même été multipliée par 2,5.

Dans ces conditions, faut-il accepter la poursuite d'une politique fiscale de droite imposée depuis 1999 par les libéraux Didier Reynders et Guy Verhofstadt (réforme fiscale favorisant les plus hauts revenus, amnisties fiscales "uniques" à répétition, réduction de l'impôt des sociétés, etc.) et dont les intérêts notionnels sont le dernier avatar ? Une logique acceptée par les socialistes dans les coalitions violettes (PS et SP.A ont voté la loi sur les intérêts notionnels) et que l'on retrouve aujourd'hui dans les orientations du gouvernement Leterme.

Faut-il accepter de continuer dans cette voie ? Nous en sommes d'autant moins convaincus que cette déduction fiscale n'a d'autre "bienfait" avéré que d'accroître les bénéfices des sociétés, alors qu'elle présente de nombreux effets pervers.

Contrairement aux affirmations du ministre Reynders, les intérêts notionnels ne sont pas conditionnés à des investissements (et encore moins à des créations d'emplois). Ils constituent une déduction fiscale inconditionnelle. Contrairement à la déduction pour investissement qui... a été supprimée pour financer les intérêts notionnels.

Les intérêts notionnels ont été inventés pour maintenir le privilège fiscal inouï que pouvaient obtenir les multinationales créant un centre de coordination. L'Union européenne ayant condamné ce régime fiscal pour son aspect discriminatoire, le gouvernement l'a purement et simplement étendu à toutes les entreprises, sous la forme des intérêts notionnels. Une attitude folle sur le plan budgétaire.

Les intérêts notionnels coûtent quatre à cinq fois plus cher que le budget initial de 500 millions d'euros. Un chef d'entreprise faisant une telle erreur serait licencié sur-le-champ. Le ministre des Finances, lui, n'a même pas dû s'expliquer sur les causes de cette erreur. Si c'en est une...

Différents facteurs font que le coût des intérêts notionnels va encore augmenter ces prochaines années, notamment l'augmentation des taux de la déduction, ainsi qu'un effet d'autoaccumulation : les intérêts notionnels accroissent les bénéfices qui accroissent eux-mêmes les intérêts notionnels.

Les intérêts notionnels s'ajoutent à une flopée d'autres cadeaux offerts aux sociétés. Par exemple, les réductions de cotisations patronales (5,07 milliards d'euros en 2007), les réductions de précompte professionnel (0,7 milliard d'euros en 2007), les subsides régionaux, l'exonération des plus-values sur actions, etc.

Les intérêts notionnels n'ont pas d'effet sur les investissements des entreprises. Ceux-ci ont eu une croissance moins élevée en 2006 (première année des intérêts notionnels) que les deux années précédentes. Selon ce qui en a filtré dans "L'Echo", une étude secrète du SPF Finances affirme "ne pas constater de hausse des flux d'investissement direct entrant (étranger), ni d'effet de localisation en Belgique de la base taxable. En d'autres termes, les intérêts notionnels n'auraient quasiment pas eu d'impact sur l'économie réelle du pays".

Les intérêts notionnels n'ont pas eu le moindre effet visible sur l'emploi, contrairement à ce qu'affirme Didier Reynders. Ce dernier est d'ailleurs contredit par un de ses conseillers, Roland Rosoux, qui explique qu'il est impossible de mesurer un tel effet. Sur base d'échantillons réduits, on constate même l'inverse : les 24 entreprises de plus de mille travailleurs ayant mentionné des intérêts notionnels dans leurs comptes annuels en 2006 ont réduit leur emploi global de 1 102 équivalents temps-plein. Alors qu'elles ont déduit en tout 159 millions d'euros d'intérêts notionnels.

Les intérêts notionnels ont fait passer le taux d'imposition implicite (impôt réellement payé par rapport au bénéfice) des sociétés de 23,7 pc (2005) à 16 pc (2006). Alors que l'Europe des Quinze se situe à 23,8 pc. Les intérêts notionnels alimentent ainsi un dumping fiscal qui pousse les autres pays à adopter des mesures similaires.

Les intérêts notionnels favorisent les sociétés les plus riches. Osons une comparaison. Aujourd'hui, une personne qui emprunte pour acheter une maison peut déduire fiscalement les intérêts. Si on appliquait des sortes d'intérêts notionnels aux ménages propriétaires, ceux qui ont autofinancé l'acquisition de leurs immeubles (grâce à des héritages ou à une importante fortune personnelle) pourraient déduire fictivement des intérêts. Qui oserait alors encore parler d'une mesure pour favoriser l'accès au logement ? Qui serait assez aveugle pour ne pas conclure qu'il s'agit d'un beau cadeau pour les ménages les plus riches ?

Les intérêts notionnels ont fait l'objet de montages fiscaux des grandes entreprises pour abuser du système. Electrabel a ainsi eu recours à un montage "double dip" (double déduction) portant sur 67 millions d'euros. De plus, certaines banques ont soumis leurs montages fiscaux au service des décisions anticipées du SPF Finances, qui a donné son accord (avec l'assentiment du ministre). De telles décisions lient le fisc, qui ne pourra dès lors plus remettre en cause ces montages. On se demande dès lors s'il sera possible d'empêcher des abus qui ont déjà obtenu un blanc-seing fiscal.

Didier Reynders finance ses cadeaux fiscaux (notamment) en réduisant le personnel public, en particulier celui du SPF Finances. Il faudrait au contraire renforcer des services comme l'Inspection spéciale des impôts pour mieux contrôler les grandes entreprises et mieux combattre la grande fraude fiscale. Nous pensons qu'il faut en finir avec cette logique libérale selon laquelle les créations d'emploi passent par la multiplication de cadeaux aux entreprises. À l'inverse, en soutenant le pouvoir d'achat, on satisfait à la fois des besoins sociaux urgents tout en favorisant réellement l'emploi à travers une hausse de la consommation.

Nous estimons que les milliards dépensés pour les intérêts notionnels devraient plutôt être utilisés, spécifiquement, à des mesures soutenant le pouvoir d'achat des travailleurs actifs et des allocataires sociaux (comme l'abaissement du taux de TVA sur l'énergie, la hausse des allocations sociales, le refinancement des services publics pour maintenir les bureaux de postes, avoir plus de transports publics et un meilleur enseignement, la construction et l'isolation des logements sociaux,...). Les besoins de la population ne sont pas notionnels, mais réels. La suppression des intérêts notionnels est une nécessité sociale.

Les autres signataires sont Marco Van Hees, Paul Lootens, Bruno Baudson, Kristien Merckx, Ludwig Vandermeiren, Thierry Tonon, Arnaud Lévêque, Bart Meuleman, Hendrik Vermeersch, Henri-Jean Ruttiens, Bruno Verlaeckt, Marc Goblet, Jean-Marie Piersotte, Mateo Alaluf, Nico Hirtt, Corinne Gobin, Pierre Galand, Didier Brissa, François Houtart, Jean-Marie Léonard, Marianne Gestels, Lode Hancké, Rik Pinxten, Luc Desmedt, Guy Fays, Carlo Briscolini, Pippo Bordenga, Francis Debry, José Fernandez, Jean-François Ramquet, Bruno Bachely.