vendredi 29 novembre 2013

Le point sur l'enquête sur l'assassinat de Julien Lahaut

La dernière livraison du Bulletin du CEGESOMA (n°46 de novembre 2013, pp.29-30) publie un article d'Emmanuel Gérard qui fait l'état des lieux de la recherche sur l'assassinat de Julien Lahaut (voir sur ce sujet http://juliendohet.blogspot.be/2007/08/lassassinat-de-julien-lahaut.html)
Ce texte souligne tout d'abord que le financement de la recherche, après les péripéties pour son lancement, a été prolongé le 21 février 2013.
Les chercheurs s'orientent clairement vers une confirmation de la piste du réseau anticommuniste à travers la personnalité d'André Moyen et l'existence d'une organisation clandestine anversoise nommée Bloc Anticommuniste Belge qui avait déjà envisagée un attentat contre Lahaut en 1948.
L'auteur de l'article souligne bien que "les liens entre services de renseignements publics et privés, qui semblent échapper à toute forme de contrôle démocratique, nous rappellent la fragilité de la démocratie. En ce sens, l'assassinat de Julien Lahaut reste d'une actualité brûlante et l'intérêt sociétal d'une telle recherche ne saurait être sous-estimée". C'est d'ailleurs bien dans ce sens que des citoyens se sont impliqués à plusieurs reprises pour que ce dossier avance.
On ne peut donc que se réjouir que ce dossier ne tombe pas dans l'oubli et que la vérité sera peut-être un jour faite, même si l'on connait déjà l'essentiel de la teneur politique de l'assassinat. Notons d'ailleurs que ce vers quoi se dirigent aujourd'hui les historiens est ce que le Parti Communiste a dit dès le lendemain des faits !
Espérons enfin que les différentes archives, même les plus sensibles, seront ouvertes aux chercheurs plus de 60 ans après les faits.

samedi 9 novembre 2013

Grève 60. Une croisière et un spectacle

Le dimanche 24 novembre, j'animerai une croisière sur la Meuse avec pour thème l'histoire sociale et socio-économique du bassin liégeois. La sidérurgie sera évidemment bien présente dans le commentaire. Cette croisière sera suivie d'une représentation de la pièce "Grève 60".

Toutes les informations ci-dessous:








 

mardi 5 novembre 2013

Le capitalisme : une nouvelle religion ?

Ce sera le titre de ma conférence le

Vendredi 8 novembre à 19H00 à la
Maison de la Laïcité de Binche
Place de l'Europe n°7 à 7131 Waudrez 
 

jeudi 31 octobre 2013

L’inégalité comme étoile polaire de l’extrême droite

Article publié dans Aide-Mémoire n°66, p.11
Le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne, le GRECE, est un acteur clef dans le renouvellement du discours d’extrême droite et dans sa (re)conquête idéologique de ce mouvement. Retour sur cette structure qui existe toujours avec un livre, agrémenté d’un cahier photos, bilan des dix premières années[1].


Un mouvement structuré

Né dans la foulée de mai 68, le GRECE a dès le départ une stratégie d’infiltration de zones d’influence et de la droite classique pour y diffuser son discours. Il se définit lui-même comme « centrale d’influence ». Un des aboutissements de cette stratégie sera la prise de contrôle du Figaro Magazine donnant une audience inhabituelle à des thématiques jusque-là cantonnées à des publications militantes. Souvent qualifié de « nouvelle droite », la stratégie et les idées du GRECE seront dévoilés début des années 80 marquant un coup d’arrêt dans son influence d’autant que des divergences en son sein, liées en partie au soubresaut interne à l’extrême droite française et plus particulièrement au Front National, affaibliront sa position.

C’est dans un bastion d’extrême droite, la région PACA, que le GRECE est fondé en 1968, à Nice plus précisément. Il se déplace à Aix-en-Provence avant de s’installer à Paris en 1974. « Les fondateurs du GRECE étaient pour la plupart des hommes jeunes. Certains étaient encore à l’Université, d’autres étaient engagés depuis peu dans la vie professionnelle. Quelques-uns avaient eu antérieurement des engagements personnels, politiques ou syndicaux, et ils en avaient fait la critique positive. Tous étaient convaincus que la solution à la crise passait, d’une part par une nouvelle prise de conscience de notre héritage de civilisation, d’autre part, par la volonté d’aborder les problèmes au fond, en prenant des distances avec les contingences de l’actualité »[2]. Cette volonté de ne pas être tenu par l’actualité n’empêche pas le GRECE d’être très actif : « Depuis sa fondation, le GRECE a organisé plusieurs centaines de manifestations culturelles, publiques ou privées : conférences, débats, forums, réunions contradictoires, expositions, Université d’été, fêtes populaires, voyages collectifs, journées d’études, séminaires et colloques. »[3]. La première partie de l’ouvrage détaille d’ailleurs ces diverses activités ce qui n’est pas sans intérêt pour bien situer politiquement ce mouvement. Nous y reviendrons. Outre cet activisme important, la stratégie d’être présent partout est affirmée sans ambage. C’est ainsi que différentes commissions ou structures parallèles sont créées : « C’est en avril 1975 (…) que le GRECE a pris l’initiative de consacrer un dossier d’éléments aux questions militaires (N°10) et de créer un comité de liaison des officiers et sous-officiers de réserve. Dans une société en mutation, soumise à la contestation systématique des groupes de pression de l’ultra-gauche (…) l’armée n’est plus une institution préservée. Le principe même de la Défense nationale est mis en cause par la subversion »[4]. De même le GENE, groupe d’études pour une nouvelle éducation, créé en janvier 76 a pour but de « travailler à l’élaboration d’un projet éducatif global, partie intégrante d’une conception du monde et de la vie. Il veut se situer au-delà du passéisme stérilisant des pédagogies rétrogrades et de l’utopisme déréalisant des pédagogies pseudo-modernistes. Il s’oppose à tous les dogmatismes et à tous les conformismes, comme aux formes de pensée unilatérales et réductrices »[5]. Cet extrait révèle deux caractéristiques du discours que nous développerons : la posture de troisième voie sur les sujets abordés et l’objectif de proposer une vision du monde cohérente et globale.

Mais avant cela, il nous semble important de souligner une caractéristique organisationnelle du GRECE. Son but étant clairement élitiste, il se montre stricte dans ses méthodes de recrutement : « Tout candidat à l’adhésion au GRECE doit remplir, de façon détaillée, un formulaire spécial qui lui est fourni, à sa demande, par le secrétariat de l’association. Il doit également être présenté par un parrain, déjà membre du GRECE, qui devra répondre, par écrit, à un certain nombre de question concernant le postulant (…) Lorsque le dossier d’adhésion est complet, il est examiné par le conseil d’administration du GRECE. Celui-ci se réserve le droit de refuser toute demande d’admission, sans être tenu de justifier sa décision auprès de l’intéressé (…) par son ancienneté et son dévouement, l’adhérent peut gravir les différents échelons de la hiérarchie interne, jusqu’au grade d’assistant. »[6] De plus, outre une participation active aux activités, la cotisation est également une marque de dévouement puisque les plus hauts membres versent 10% de leur salaire. Détail piquant, ce dévouement exigé des membres est explicitement repris des méthodes de l’extrême gauche, et plus précisément de la Ligue Communiste Révolutionnaire.


Un discours cohérent

« La mise en cause de la conception égalitaire du monde apparait donc aujourd’hui comme la condition fondamentale d’une lutte efficace contre le négativisme, le réductionnisme et la « massification ». Il ne suffit pas de déplorer les symptômes de la décadence. Il faut encore en identifier les causes. C’est seulement en agissant sur les causes que l’on modifie durablement les effets. »[7] Le GRECE développe donc dans son ouvrage sur ces dix premières années d’activités une série de thématique très cohérentes tournant autour de la notion d’une décadence de la France, et plus largement de la civilisation occidentale, qu’il s’agit d’arrêter pour permettre un redressement salutaire. 12 points forment ainsi une assise doctrinale qui est redéveloppée ensuite dans une compilation d’articles regroupés thématiquement. Un des points intéressants est la volonté de réhabiliter la notion de race tout en tenant un discours sur l’immigration qui fera son chemin au point d’être aujourd’hui le discours classique de l’extrême droite, à savoir que l’on respecte chaque culture. Mais qu’au nom de ce respect, chacun doit rester chez soi car « Tous les sociologues savent que, lorsque deux populations différant nettement du point de vue ethno-culturel vivent l’une avec l’autre, dès que l’on dépasse un certain seuil, il en résulte des difficultés de toutes sortes »[8]. C’est pourquoi « Je suis pour la non-discrimination, pour la décolonisation, pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais à une condition : c’est que la règle ne souffre pas d’exceptions. Si l’on est contre la colonisation, alors il faut être pour la décolonisation réciproque, c’est-à-dire contre toutes les formes de colonisation (…) Or nous assistons à certains paradoxes. Nous voyons des idéologues prendre position pour le respect de toutes les races. Sauf une : la nôtre (qui, par parenthèse, est aussi la leur) »[9] Et de préciser : « Il y a, sur notre planète, un certain nombre de pays où l’élément métis forme la majorité. Ce ne sont pas ceux, il faut bien le dire, dont la stabilité ou le niveau de développement peuvent servir d’exemples. (…) Vaut-il mieux une planète où coexistent des types humains et des cultures variés, ou bien une planète dotée d’une seule culture et, à terme, d’un seul type humain ? On pourrait distinguer ici entre raciophobes et raciophiles. Les premiers souhaitent la disparition des races, donc l’uniformisation des modes de vie. Les seconds pensent que c’est la pluralité de l’humanité qui fait sa richesse. »[10]. Le GRECE prône par ailleurs la défense des identités et traditions régionales contre le centralisme parisien, un retour à la terre et au développement des activités sportives.

Le rejet de l’égalitarisme est au cœur d’un discours qui ne rejoint pas la tendance ultra-catholique de l’extrême droite, notamment sur les notions d’avortement. Ainsi une distance est mise avec les intégristes lefévristes qui sont néanmoins reconnus comme des alliés face à un adversaire commun. En fait la distanciation vient du fait que le GRECE est idéologiquement dans la mouvance d’extrême droite que nous avons déjà analysée avec le livre de Pierre Vial[11]. Et ce n’est pas un hasard, Vial étant à l’époque du livre que nous analysons un des principaux animateurs du GRECE dont il dirige la commission Tradition. Pour le GRECE, le problème est le message égalitariste du christianisme : « ils identifiaient le lien logique existant entre les différentes formes de contestation, qu’ils décelaient clairement le dénominateur commun qui leur était sous-jacent (…) C’est l’égalitarisme. Introduit dans la pensée européenne par le biais du judéo-christianisme – avec le thème de l’ « égalité devant Dieu » - l’idéologie égalitaire s’est laïcisée au XVIIIe siècle. Depuis lors, l’emprise de cette idéologie s’est faite de plus en plus lourde au sein des sociétés occidentales »[12]. Nous prendrons ici le discours tenu sur le rôle de la femme pour illustrer ce positionnement : « Si les adhérentes du MLF étaient logiques avec elles-mêmes, elles se déclareraient d’abord pour l’Occident, car ce n’est que dans la culture européenne que la femme a toujours été considérée comme une personne. Mais la diffusion de l’idéologie chrétienne, avec sa tradition de rabaissement de la femme, a brouillé les cartes »[13] et le raisonnement de laisser transparaître une pointe d’antisémitisme, certes discret : « Plus précisément, la dévalorisation sociale de la femme fait partie intégrante d’une superstructure religieuse. L’idée d’une déesse, protectrice de la cité ou chasseresse, comme la Diane ou la Minerve des Romains, est impensable dans la perspective hébraïque. »[14]


Des références connues et un marqueur idéologique clairement à la droite de la droite

Contrairement à son discours qui tient à se présenter, certes plutôt de droite mais comme complètement novateur et ne s’inscrivant dans aucun courant de pensée partisan, une série de références loin d’être anodines inscrivent clairement le GRECE au sein de l’Extrême Droite. C’est ainsi que le début du livre explique que le seul cercle en dehors de la France se trouve à Johannesburg ![15]. Dans les références littéraires on retrouve Julius Evola[16], Charles Maurras[17], Oswald Spengler[18], Maître Eckhart[19]… Des personnalités citées comme caution ou modèle s’appellent Arno Breker[20], Lucien Rebatet[21]… Mais aussi la référence aux théories de Dumézil et à la civilisation indo-européenne comme ciment identitaire : « Le motif qui sert d’emblème au GRECE et qui figure sur la plupart de ses publications, est un très vieux motif d’entrelacs, que l’on retrouve sur des gravures, des bijoux, des monuments et des tableaux, dans plusieurs pays d’Europe »[22] et a clairement la même référence que la croix gammée. Tout comme le concept de « vue du monde » qui rappelle celui de la Weltanschauung chère aux Nazis.

Nous terminerons par un retour aux grands classiques de cette chronique, démontrant ainsi à nouveau toute la cohérence qui existe au sein de la pensée d’extrême droite au-delà des nuances pouvant parfois la diviser en courants concurrents. D’une part, le rejet du marxisme : « Nous pensons que, dans le marxisme, ce ne sont pas seulement les méthodes qui sont haïssables, mais aussi le fond même des aspirations et de la pensée. Et c’est l’étude de ces aspirations ramenées à ce qu’elles ont d’essentiel, qui met en lumière ce qu’il peut y avoir de commun dans le marxisme et le christianisme »[23]. Nous revenons ici au marqueur idéologique qu’est l’égalité : « L’ennemi, ce sont toutes les doctrines, toutes les praxis qui représentent et incarnent une forme d’égalitarisme. Au premier rang d’entre elles, bien sûr, le marxisme. (…) nous disons qu’il ne sert à rien de lutter nommément contre le marxisme si, en même temps, l’on n’a pas le courage et la lucidité de lutter contre la cause du marxisme, contre ce qui produit inévitablement le marxisme : c’est-à-dire la pensée, la mentalité « anthropologique » égalitaires, dont le marxisme ne constitue qu’un aboutissement. Par ailleurs, ce que nous disons également, c’est qu’on ne peut lutter efficacement contre le marxisme qu’en lui opposant, non pas seulement une critique de ses erreurs et de ses faiblesses les plus flagrantes, mais une véritable alternative : un corpus idéologique et théorique complet, qui fournisse aux esprits actuellement séduits par le marxisme une solution de rechange »[24]. Ce corpus idéologique s’incarne dans le concept forgé par Alain De Benoist de métapolitique : « Nous appelons la métapolitique le domaine des valeurs qui ne relèvent pas du politique, au sens traditionnel de ce terme, mais qui ont une incidence directe sur la constance ou l’absence du consensus social régi par le politique. En fait poser la question de la métapolitique, c’est poser celle de la place et du rôle de l’idéologie »[25].

Enfin, l’évocation de l’aspect « Naturel », base du darwinisme social est évidemment largement présent : « A l’idée de « société », il faut donc à nouveau substituer celle de « communauté ». Il faut faire réapparaître les liaisons naturelles, organiques, qui doivent exister entre les organes du corps social. Il faut chercher à remettre de l’harmonie et de la complémentarité là où règne l’antagonisme et la division. Cette tâche de rétablissement est la condition sine qua non de toute entreprise nationale. Elle exige, en premier lieu, une lutte rigoureuse contre l’égalitarisme sous toutes ses formes »[26].

Notes


[1] GRECE, Dix ans de combat culturel pour une renaissance, Paris, GRECE, 1977, 265 p.
[2] P.60
[3] P.23
[4] P.30
[5] P.36
[6] P.49
[7] P.84
[8] P.127
[9] P.129
[10] P.127
[11] Voir La tendance païenne de l’extrême droite in AM n°38 d’octobre-novembre-décembre 2006,
[12] P.68
[13] P.241
[14] P.256
[15] P.20
[16] Voir Le Fascisme est de droite in AM n°47 de janvier-février-mars 2009 et La révolution conservatrice in AM n°48 d’avril-mai-juin 2009
[17] Voir De l’inégalité à la monarchie in AM n°33 de juillet-août-septembre 2005
[18] Philosophe allemand auteur d’un livre capital qui inspira les Nazis : Le déclin de l’occident.
[19] théologien et philosophe dominicain allemand de la fin 13e- début 14e siècle considéré comme le premier des mystiques rhénans mais surtout repris par Alfred Rosenberg dans son Mythe du XXe siècle comme un penseur charnière.
[20] Sculpteur officiel sous le Nazisme.
[21] Ecrivain français d’extrême droite, auteur en 1942 d’un bestseller Les Décombres que nous étudierons dans une prochaine chronique
[22] P.14
[23] P.212
[24] P.69
[25] P.73
[26] P.90

vendredi 20 septembre 2013

Entrer en résistance contre le système, une exigence pour les laïques

C'est sous ce titre que je donnerai une conférence à partir de mon livre Vive la sociale

le jeudi 26 septembre 2013 à 19h00

à la Maison de la Laïcité de Binche, Place de l'Europe n°7 à 7131 Waudrez

Jeudi, Septembre 26, 2013 - 19:00
Adresse: 
Maison de la Laïcité de Binche
Place de l'Europe, 7
7131 Waudrez, WHT
Belgique
- See more at: http://www.fdml.be/node/271#sthash.6SjGiJkA.dpuf
Jeudi, Septembre 26, 2013 - 19:00
Adresse: 
Maison de la Laïcité de Binche
Place de l'Europe, 7
7131 Waudrez, WHT
Belgique
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mardi 6 août 2013

Des propos quelques peu actuels

J'ai retrouvé à l'occasion d'un classement une farde de documents dont j'ignore la provenance exacte mais qui sont liés au PWT, le parti wallon des travailleurs. Un parti qui dès sa création en 1964 ne réalise pas son objectif de constituer un parti de masse à la gauche du PS mais se retrouve très faible numériquement, alors qu'il est issu à l'origine de la tendance du gauche du PSB. Une nouvelle fois, ce que nous montrions dans un colloque à Rouen avec Jean Faniel (communication La gauche "extrême" en Belgique : du Parti libéral à la gauche anticapitaliste) se concrétise : une tendance importante en interne perd le gros de ses forces et de ses personnalités porteuses quand elle tente une aventure en solo.
Avant de déposer ces documents pour archivage à l'IHOES, je les ai parcouru, notamment un texte de 23 pages datés de septembre-octobre 1969 qui est une longue réponse à une divergence interne avec la section du Brabant Wallon.
Ci-dessous quelques extraits qui font un échos interpellant à des questions et/ou situations actuelles.

p.2: "La démoralisation nous a marqués comme toutes les tendances du mouvement ouvrier en Wallonie. Il faut remarquer, par exemple, qu'aujourd'hui à Liège, le MPW n'a plus aucune vie, le PC n'est plus à même d'organiser d'action autonome un peu étoffée et n'a plus qu'une organisation de jeunesse squelettique qui n'intervient même pas dans le milieu étudiant, que la réunion constitutive d'"objectif 72", qui visait un large rassemblement de gauche à Liège, n'a réuni qu'une centaine de participants, qu'une assemblée générale importante du secteur enseignement de la CGSP n'attire qu'une quarantaine de membres, que la réunion constitutive du Front anti-Otan n'a réuni que 8 personnes, que tout mouvement maoïste a complètement disparu dans la région (...)"

pp.5-6: "Beaucoup de ceux qui avaient assisté à l'assemblée constituante de décembre 1964 rentrèrent dans le rang ou abandonnèrent toute velléité d'action politique. Dès 1965, il était clair que les divisions et les défections allaient empêcher (...) un parti à base de masse se situant à gauche du PSB et du PCB et capable d'évoluer, en cas de crise sociale, vers un parti révolutionnaire"

p.8: (sur la question des masses que l'on désire toucher mais qui ne suivent pas): "S'agit-il des travailleurs qui votent pour le PSB et ont confiance en Collard ou en Simonet ? Mais alors, ne faudrait-il pas rentrer au PSB ? S'agit-il des communistes roses du PCB ? ou de la demi-douzaine de groupuscules maoïstes ? ou des 5 derniers fidèles de Grippa ? Faut-il les rejoindre ? A moins que ce ne soient les petits-bourgeois et les travailleurs essentiellement anti-flamands qui suivent Perin et Duvieusart ? Ou les organisations du MOC encore toujours contrôlées par le PSC ? Ou alors la grande masse des travailleurs démoralisées par tous ceux-là et qui ne croient plus à rien d'autre qu'à une solution individuelle de leurs problèmes ? S'agit-il par contre de ceux qui ne se sont jamais intéressés à la politique et ne s'adonnent qu'au sport commercialisé et aux autres formes d'abrutissement des travailleurs ?"

p.8: "L'expérience montre que les collaborations gouvernementales, sans aucun profit pour les travailleurs, créent chez ceux-ci un malaise qui peut se transformer en réaction salutaire et secouer les appareils. Ce fut le cas par exemple en 1958, après la défaite électorale socialiste, qui suivit quatre années de gouvernement Van Acker. Le congrès du PSB de décembre 1958 vit les incidents fameux d'une offensive de gauche dirigée par les "renardistes". Ceux-ci apparaissaient comme une direction de rechange au mouvement ouvrier. André Genot déchainait l'enthousiasme, en dénonçant en termes éloquents la "mayonnaise de crevettes sans crevettes" des réalisations gouvernementales"

p.10: "Faire confiance à un groupe d'étudiants qui se contente de critiquer la bureaucratie syndicale sans avoir la possibilité forcément de mener la lutte à l'intérieur des entreprises et de proposer des candidats aux élections syndicales de base, c'est croire qu'on pourra téléguider de l'extérieur les luttes ouvrières et qu'une pure propagande intellectuelle peut bouleverser de l'extérieur un syndicat dont les travailleurs ne peuvent de toute manière se passer sans perdre rapidement les droits acquis à l'intérieur du régime actuel"

p.11: "Les fronts peuvent être utiles mais ils sont très difficiles à construire et donc peu efficaces, dans les périodes de recul de la combativité ouvrière, parce qu'ils se constituent à la tête et rassemblent des groupes qui, en ces périodes, ne sont plus capables de mobiliser une base démoralisée"
puis plus loin sur les groupes-collectifs hétéroclites/pluralistes : " on y rencontre surtout des gens qui hésitent éternellement entre toutes les formations politiques, des puristes qui n'en trouvent jamais aucune à leur goût ou des éléments déçus, victimes d'appareils syndicaux ou politiques et incapables de dépasser leur juste rancœur pour participer avec dynamisme à la construction d'une organisation nouvelle"

vendredi 19 juillet 2013

Connexion sur la République

J'étais donc un des invités de l'émission radio Connexion ce matin. Sujet "La République".
Cette émission peut être écoutée en podcast ici
Une belle expérience où j'ai le sentiment d'avoir réussi à exposer mes arguments malgré le format de l'émission qui ne permet que des prises de parole très courtes.

mercredi 17 juillet 2013

La « démocratie autoritaire » pour le bien des travailleurs

Cet article est paru dans le n°65  de juillet-septembre 2013 d'Aide-Mémoire, p.11



Pour notre 50e chronique sur le décryptage de l’idéologie d’extrême droite[1] nous avons choisi de lier nos deux thèmes de recherche depuis une quinzaine d’années. Nous avons donc sélectionné un ouvrage abordant le Fascisme italien mais également la question du syndicalisme. Ce choix s’est d’autant plus imposé à moi qu’une publication récente marquée bien à droite révélait en creux une vision du rôle du syndicat dans la société au final guère éloignée de la vision décrite ci-dessous.

Une contextualisation nécessaire
La question d’une extrême droite proche des travailleurs et qui serait là pour les défendre est un thème que nous avions déjà abordés dans un texte basé sur plusieurs brochures[2]. Nous y avions déjà relevé que, en Italie, le Fascisme a servi à ses débuts à casser les grèves et à fournir des troupes pour combattre les Rouges. Cette dimension antisyndicale des origines est à garder à l’esprit lorsque l’on prend connaissance de l’ouvrage de propagande de Louis De Pace vantant Les conquêtes syndicales de l’ouvrier italien[3]. Un autre point important, est le fait que l’Italie de Mussolini est un régime politique particulier. L’auteur le reconnaît d’ailleurs et le défend au nom du droit de chaque peuple de pouvoir choisir son mode de gouvernement : « Quand les chefs des régimes autoritaires sont accueillis par les manifestations imposantes et enthousiastes du peuple, on ne saurait dire sérieusement qu’ils sont des tyrans (…) La nécessité d’une autorité au sommet, de l’ordre et de l’obéissance en bas, se fait sentir dans tous les pays. L’absence de l’autorité, là où elle se manifeste, entraîne des conséquences très graves dans l’intérêt de la chose publique, aussi bien du point de vue économique et social que du point de vue moral et politique »[4]. C’est ainsi que le livre a, significativement, un premier chapitre intitulé « Démocratie autoritaire » où le pouvoir du peuple a été librement délégué au parti et à son chef. Le rôle central du parti est plusieurs fois affirmé : « Le Parti, selon, du reste, son statut en droit public, est l’animateur, le cœur, le guide des syndicats, comme de toute autre institution nationale.»[5].

Une réalité sociale…
C’est donc à une description assez fouillée du fonctionnement du syndicalisme italien que nous invite l’auteur qui consacre la fin de son livre à la publication des principaux textes qu’il cite. C’est par une loi, prise le 3 avril 1926, que la question a été réglée. Le rôle du syndicat est clairement défini. Il ne fait pas de politique, mais « Le Syndicat est appelé, par sa structure même, à réaliser un programme d’assistance, pour mériter la reconnaissance juridique qui le consacre organe de droit public. L’assistance devient un devoir de la part du Syndicat et un droit pour le travailleur. Ainsi l’on dépasse tout concept de charité et de philanthropie pour rentrer dans celui de rapports de devoirs réciproques, et, plus haut encore, de solidarité nationale »[6]. Ce qui passe également par la question du nouveau contrat de travail mis en place par le régime : « L’activité des syndicats est tout entière employée dans la généralisation totalitaire du contrat collectif. Le contenu du contrat est essentiellement de tutelle : protection des salaires, des conditions morales, sanitaires, juridiques, etc… C’est tout le monde du travail qui trouve là sa loi ! »[7]. De Pace insiste sur les résultats obtenus par un gros travail législatif : progrès au niveau des accidents de travail et des maladies professionnelles (principalement la tuberculose), instauration de la journée de 8 heures, instruction obligatoire jusque 14 ans complétée par un effort accru au niveau de l’enseignement professionnel… Et de terminer sur la question du salaire : « Celui-ci (le salaire corporatif), selon la Déclaration XII de la Charte du Travail, doit correspondre « aux exigences normales de la vie, aux possibilités de la production, au rendement du travail ». En cette brève formule, le Statut du Travail renferme peut-être la partie la plus révolutionnaire du système fasciste. Sa reconnaissance dans un statut national est le geste le plus révolutionnaire (au sens concret du mot) des différents mouvements mondiaux des temps modernes »[8]. Le salaire ainsi conçu est un tout intégrant les œuvres sociales, l’école… La réalité est cependant que le travailleur n’a, dans les faits, rien à dire sur la fixation de ce salaire puisqu’il est totalement lié aux besoins de compétitivité de l’état. Inutile, après les mesures d’austérité prise aujourd’hui partout sous couvert de l’Europe, d’expliquer le résultat d’une telle mesure.

… derrière laquelle une vision de la société est présente
Mais très vite, derrière cette description idyllique, la vision fasciste de la société et la perte des libertés apparaît. Une vision qui nie évidemment le concept d’opposition entre les classes sociales pour les placer dans une collaboration totale vu la communauté d’intérêt : « Dans la Révolution fasciste, l’origine et la formation du Syndicat offrent un aspect caractéristique, qu’il convient d’avoir constamment présent à l’esprit. Au lieu de se transformer, comme les autres mouvements ouvriers, en un syndicalisme de classe, il s’intègre dans l’Etat, dont il constitue, au moins pour les trois quarts, la structure et les finalités sociales. (…) Mais l’exacte compréhension de la fonction du syndicat fasciste et de ses résultats ne peut être obtenue qu’en considérant cette union profonde de l’Etat et du Syndicat, qui réalise indubitablement une conquête politique nouvelle dans l’histoire moderne »[9] Afin de s’assurer que le syndicat aura toujours une action qui est subordonnée aux intérêts supérieurs de la Nation, deux mesures sont prises. D’une part : « La reconnaissance juridique signifie qu’un seul syndicat peut être légalement reconnu, même s’il en existe plusieurs pour la même catégorie»[10]. D’autre part les dirigeants des différentes fédérations professionnelles nationales sont désignés par l’Etat : « On a voulu ainsi soustraire les chefs des Confédérations à l’influence des secrétaires fédéraux, sur lesquels ils sont appelés à exercer une autorité de direction et de contrôle ; et on a voulu donner au gouvernement, au nom du principe hiérarchique qui préside à tout ce qui touche au régime, la possibilité d’une union étroite avec les grandes organisations du travail »[11]. Mais au-delà, sans même entrer dans la réalité cachée par la propagande, mais en restant uniquement sur ce que le livre de De Pace nous dit, on constate que les progrès obtenus le sont sous contrôle. Ainsi « Le livret de travail a été institué obligatoirement par la loi du 10 janvier 1935, n°112, afin qu’aucune catégorie n’en soit privée »[12]. Soit la réapparition d’un des principaux moyens de contrôle que la lutte du mouvement ouvrier avait réussi à abolir dès fin du 19e en Belgique. Comme déjà évoqué cette réalité est due à un système corporatif qui, discours toujours très à la mode à Droite aujourd’hui, veut étouffer les légitimes revendications des travailleurs sous prétexte d’une nécessaire unité nationale qui n’a jamais servi qu’à assoir le pouvoir des possédants. : « L’ouvrier italien est national : il a répudié, et pour toujours, l’évangile marxiste, qui voulait en faire le « frère » de l’ouvrier étranger et l’ennemi mortel de l’employeur de son propre pays (…) Salariés et employeurs vivent dans la nation et des ressources de la nation et ont, par suite, un intérêt solidaire à accroître, par le potentiel du travail, les richesse de la nation. Donc, pas de luttes entre eux, mais une collaboration constante »[13]

Une vision d’extrême droite bien présente
Plus largement, le livre permet également d’aborder des aspects plus transversaux de l’idéologie d’extrême droite. La fonction autoritaire a déjà été évoquée. On retrouve donc logiquement le refus du parlementarisme : « Il est à peine nécessaire de relever que le « Parlement » n’existe désormais que sous la forme du « parlementarisme » : nous voulons dire que les partis, les factions, les intérêts particuliers (souvent illicites) en ont fait l’instrument de leurs spéculations. Partis et affaires, sur lesquels les masses sont peu consultées, se partagent le pouvoir. Le parlementarisme est dominé, comme cela est établi chaque jour davantage, par une ploutocratie, qui tend à réfréner l’ascension des classes travailleuses »[14]. À l’inverse, la société fasciste propose un modèle complet basé sur les améliorations matérielles : « Les chômeurs des pays pauvres pensent qu’une nouvelle redistribution des terres et des matières premières serait le premier et le plus efficace facteur de travail, de pain, de bien-être pour tous. Voilà pourquoi l’Italie a donné (guerre d’Ethiopie et Sanctions, années 1935-1936) l’exemple du déplacement de la lutte des classes (nation pauvre contre nations riches) sur le plan international. (…) les ouvriers italiens ont mis ce problème à l’ordre du jour et ils ont identifié leurs intérêts particuliers avec les intérêts collectifs d’une Nation qui a besoin d’expansion pour donner du travail à ses propres enfants »[15]. Mais qui travaille également (voire surtout) sur la conquête idéologique. Ainsi avec les organisations de jeunesse : « L’œuvre Balilla ouvre aussi la voie aux formations prémilitaires et à la Milice Volontaire Fasciste. Nous avons déjà signalé comment elle sert à l’instruction professionnelle ; en général, on peut dire qu’elle est une excellente école préparant à la vie, et qui, dans son travail, participe intimement à l’âme de la nation. »[16]. L’idéologie passe aussi par le vocabulaire, comme dans cet exemple abordant le contrôle effectué sur les Italiens vivants à l’étranger particulièrement éclairant sur l’importance des mots : « Les travailleurs ont ainsi encore réalisé une conquête de signification nationale : s’ils sont toujours contraints à sortir hors des frontières, ils ne seront plus des « émigrants », mais des « Italiens à l’étranger », parce que l’Italie entend demeurer toujours en eux et avec eux. Naturellement, les organisations suivent avec soin ces travailleurs à l’étranger, qui trouvent dans les Faisceaux leurs centres de réunion et défense »[17]
Au final, la fonction du syndicalisme dans l’Italie fasciste n’est clairement plus la défense des travailleurs : « On pourra juger plus ou moins complètement atteints les buts que l’Etat fasciste se propose dans le domaine des activités syndicales et sociales ; mais nul ne pourra sérieusement nier que les travailleurs soient devenus des membres de la société nationale, dans laquelle ils voient le lien idéal et concret de leurs réalisations ; qu’ils aient changé le vieil instinct égoïste de classe contre une foi, qui en fait les meilleurs artisans de la puissance italienne. Le syndicat fasciste tourne toute son activité vers le rapprochement des distances entre les classes, ou mieux, entre les rangs sociaux. Mais il est un domaine, quoi qu’il soit peut-être le plus difficile, où les distances sont déjà effacées. C’est celui de la différence des mœurs, des habitudes, des usages et (pour dire en un seul mot), de mentalité »[18]. Et cela dans une vision nostalgique de la Rome antique, présente partout dans les écrits fascistes et qui constituait un ciment idéologique en ce qu’il était l’horizon de projection : « C’est dans les terres de l’Empire d’Ethiopie que se manifeste le plus pleinement la communion de l’esprit militaire, de la mission du travail et de la morale familiale. L’Italie est peut-être la seule nation capable de créer une milice armée du travail, c’est-à-dire d’organiser les colons et les travailleurs du nouvel empire en des formations de Milice Volontaire Fasciste. On dit qu’elle reprend ainsi la tradition des légionnaires romains (…) »[19]


[1] Le premier texte est paru dans le n°16 d’Aide Mémoire de janvier-février-mars 2001 et était intitulé Ref. L'espoir wallon. Histoire du mouvement (1995-1998).
[2] Force, joie et travail ! in A-M n°45 de juillet-août-septembre 2008
[3] Louis De Pace, Les conquêtes syndicales de l’ouvrier italien, Collection d’études syndicales et coopératives, Paris, Nouvelles éditions latines – Fernand Sorlot, 1937, 199 p.
[4] P.13
[5] Pp.33.
[6] P.111
[7] P.67
[8] P.132
[9] P.23
[10] P.50
[11] P.35
[12] P.131
[13] Pp.59-60
[14] P.25
[15] P.81
[16] P.147
[17] P.92
[18] P.153
[19] P.147